BESANCON BOUCLE

« On discute avec les gens qui en ont besoin »

20 janvier 2023

A 52 ans, Emmanuel Pruniaux décide de plaquer sa vie de chauffeur taxi pour reprendre le tabac presse et Café de la Place de Bregille. Un choix de vie et un pari réussi en pleine crise sanitaire.

6h30 Chemin des Vareilles à Bregille, la vie s’éveille petit à petit. Seuls quelques rares véhicules matinaux brisent le silence de ce calme quartier bisontin. Au Café de la Place, Emmanuel Pruniaux est déjà à l’œuvre.

Sa quadruple activité de tabac, presse, bar et dépôt de pain, rythme ses dynamiques journées. Livrée à l’aube, la presse du jour doit être rapidement rangée et classée dans les rayons avant 6h45, heure d’ouverture aux clients, pour certains, d’une ponctualité sans faille. 30 minutes plus tard, le pain frais arrive, et avec lui, les premiers riverains lève-tôt. Certains finissent de se réveiller autour d’un petit noir au comptoir, une tradition que pour rien au monde les habitués n’auraient manquée.

« Même pendant le confinement, les clients fidèles étaient là tous les jours au café ou à l’apéro en fonction de leurs habitudes. Ils n’auraient raté ce rendez-vous pour rien au monde, même debout, dehors en plein hiver, puisqu’il leur était interdit de rentrer », sourit Emmanuel Pruniaux, aidé chaque matin par sa maman Simone.

De taxi à commerçant de quartier

Aux manettes du Café de la Place depuis août 2020, Emmanuel n’est pourtant pas étranger au quartier de Bregille. Il y habite depuis 2006 et c’est en venant acheter son pain qu’il apprend par les propriétaires que leur commerce est à vendre. L’information fait immédiatement tilt chez ce chauffeur de taxi depuis 23 ans.

Au « chômage » forcé – crise sanitaire oblige –, habitant à proximité et à la recherche d’une profession de contact, l’idée s’impose comme une évidence. Ainsi commence une nouvelle vie professionnelle où tout est à apprendre : dossiers administratifs utiles pour la vente de la presse, douanes pour le tabac, enquête RJ pour l’exploitation des jeux de grattage et formations pour le bar…

Mais Emmanuel s’immerge avec ténacité et bonheur dans ce nouveau métier dont il mesure rapidement l’importance et la place dans la vie de quartier. « Le journal, le pain, la proximité, le contact… Ce sont de petites choses mais ce service est essentiel pour les habitants d’un quartier. On prend le temps de discuter avec eux quand on sent qu’ils en ont besoin. Parfois, des liens se créent, jusqu’à être profondément peinés lorsque nous apprenons le décès de l’un de nos clients… Alors on envoie une petite fleur à la famille », raconte Emmanuel Pruniaux, également sponsor du Volant Bisontin – club de badminton où il s’entraîne régulièrement.

Avec le recul des deux années écoulées, le commerçant ne regrette rien « Je suis heureux d’avoir sauté le pas et si c’était à refaire, je le referais. Maintenant, je vais essayer de tenir jusqu’à mes 69 ans, jusqu’en 2037… pour fêter avec les riverains les 100 ans du bar ! »